Guerre de terrain, guerre de perceptions
Imprégné d'images de décapitations d'otages savamment mises en scène par les organismes de communication de Daech tels qu'Al-Hayat Media Center ou Al-Fuqan, l'imaginaire occidental associe à Daech les notions d'effroi, terreur, frayeur, peur et dégoût. Les actions terroristes sont filmées, photographiées, diffusées et relayées par les réseaux sociaux. En nous mettant face à l'image, et donc la réalité apparente, de leur puissance et de notre impuissance, Daech réussi là une partie de sa stratégie guerrière : terrorriser l'adversaire, faire naître le doute quant à sa capacité de réponse voire de victoire.
Mais sur la terre du supposé Califat la ligne éditoriale est bien différente, cependant elle poursuit le même but: manipuler les masses...
Mais sur la terre du supposé Califat la ligne éditoriale est bien différente, cependant elle poursuit le même but: manipuler les masses...
Vis-à-vis du public occidental, alternant images d'exécutions "par l'épée" et images de progression de leurs troupes brandissant la bannière de l'Etat Islamique, Daech construit et diffuse le mythe de l'expansion du Califat que rien ne semble pouvoir arrêter. Otages égorgés, enfants exécutant des prisonniers, destruction de sites archéologiques: l'émotion surpasse la raison. Peu importe que ces mises en scène soient le reflet de la réalité ou le résultat d'un habile montage audiovisuel: l'important est la perception du public et les réactions qui vont en résulter.
La stratégie est la même face au public des terres sur lesquelles Daech s'implante, mais la communication et les actions sont toutes autres car le but à atteindre est différent. Pour pérenniser sa domination acquise par les armes alors qu'il est en infériorité numérique, Daech doit légitimer son pouvoir. il doit rallier l'opinion publique à sa cause en apparaissant comme la seule alternative au chaos ambiant dont les occidentaux et les anciens dirigeants sont désignés comme responsables. Cette solution trouve raison dans l'établissement du califat présenté comme étant la terre promise aux musulmans, une terre régie par la loi d'Allah, une terre sur laquelle le peuple vit dans le bonheur et la sécurité. Parfaits outils de manipulation, les productions audiovisuelles de Daech donnent vie et réalité à la légende de ce bonheur de la vie quotidienne dans les zones sous contrôle de l'Etat Islamique où aucun journaliste occidental n'est en mesure d'apporter un témoignage. Exception faite pour Jürgen Todenhöfer à la fin de l'année 2014 dont le reportage issu de l'expérience de dix jours embeded (embarqué) avec les soldats de Daech à Mossoul après 7 mois de négociations a suscité la polémique.
La vitrine médiatique de Daech fait foi, le spectateur plonge dans une société apparemment idyllique où chacun serait reconnu à sa juste valeur et appartiendrait pleinement à la communauté.
Dans ce monde séduisant où règneraient entraide sociale, protection et sécurité, la population témoigne librement face à la caméra: le public partisan est conforté dans son appréciation positive et celui qui était indécis ou hostile commence à douter voire à changer d'avis devant une population qui exprime son bonheur de vivre au sein de l'Etat Islamique.
Le propos est appuyé par l'image: là une distribution alimentaire (pain, viande halal, eau), ici un soutien aux veuves et aux orphelins par la redistribution de la zakat, ailleurs une campagne de réhabilitation de sources d'eau potable ou d'entretien de la voierie, encore ailleurs des conférences à propos des pratiques islamiques ou des dangers liés à la pratique de conduites adictives et la lecture d'ouvrages nocifs (destruction de produits Haram, autodafés.
1 - http://justpaste.it/Nakel
2 - http://justpaste.it/tableet
3 - Abraham Maslow, A Theory of Human Motivation, Wilder publication, 2013.
4 - Jean-Léon Beauvois et Robert-Vincent Joule, La soumission librement consentie, Paris, PUF, 6ème édition revue et corrigée, 2010.
Transport de charité gratuit 1 |
Dans ce monde séduisant où règneraient entraide sociale, protection et sécurité, la population témoigne librement face à la caméra: le public partisan est conforté dans son appréciation positive et celui qui était indécis ou hostile commence à douter voire à changer d'avis devant une population qui exprime son bonheur de vivre au sein de l'Etat Islamique.
Campagne de réparation des rues et trottoirs 2 |
L'action sociale pour une soumission librement consentie
De
l'étude approfondie des diverses productions audiovisuelles vantant ce
qui s'apparente à des formes d'action sociale apportées par Daech à la
population, se dégagent 5 thématiques récurrentes pouvant être
identifiées comme suit: l'alimentation, la sécurité, l'appartenance, le
reconnaissance et l'accomplissement personnel. Il est tout à fait
intéressant de souligner que ces thématiques rentrent en résonnance avec
les niveaux de besoins que l'on retrouve dans la pyramide de Maslow3.
Cette
pyramide à 5 étages, élaborée en 1943 par Abraham Maslow, illustre la recherche d'un
individu à satisfaire ses besoins primaires et supérieurs. L'étude de Maslow avait une visée commerciale et faisait suite à la commande d'une entreprise qui souhaitait définir quels étaient les besoins potentiels des consommateurs afin de produire et ensuite vendre les objets du désir. Daech ne serait-il pas en ce sens un rassemblement de boutiquiers?
Contrôler les masses en étant en inferiorité numérique sans heurts: une stratégie militaire dont on retrouve les traces en Chine dès le IVème siècle avant notre ère sous la plume de Sun Tzu.
Affichant ses
compétences sociales, économiques et règlementaire, Daech semble remplir
les fonctions de l'Etat-Providence. Supprimant ou atténuant les
souffrances du peuple qui vivait jusqu'à présent dans le contexte d'un
Etat failli et corrompu, il gagne sa faveur. Ainsi, il impose insidieusement son
idéologie aux "bons musulmans" pour lesquels il a rendu justice et
reconquit les frontières d'un Etat spolié par les occidentaux.
A
la manière d'un bon publicitaire, Daech a créé un univers qui apparaît
être idyllique, par l'attractivité et la gratuité du geste il trompe le
"consommateur". Ce dernier, persuadé qu'il est auteur de la prise de
décision d'adhérer aux valeurs prônées par Daech et de reconnaître son
autorité, entre dans un concept de soumission librement consentie
dévelopée par Robert-vincent Joules et Jean-Léon Beauvois 4 en 1987 mais
dont les origines sont bien plus lointaines. Le peuple se soumet à une
autorité qui a déployé des artifices pour asseoir sa légitimité, croyant
qu'il est maître de sa décision il ne se rend pas compte en fait de la
duperie de celui qui apporte la solution miracle après avoir initié le
problème. Tel un pompier pyromane, Daech gagne l'adhésion des habitants
des dizaines de maisons dans lesquelles il a allumé un incendie.
Contrôler les masses en étant en inferiorité numérique sans heurts: une stratégie militaire dont on retrouve les traces en Chine dès le IVème siècle avant notre ère sous la plume de Sun Tzu.
"Estimé,
respecté, chéri des vôtres, les peuples voisins viendont avec joie se
ranger sous les étendards du prince que vous servez, ou pour vivre sous
ses lois, ou pour obtenir simplement sa protection".
Sun Tzu, L'Art de la guerre, chapitre 11 - http://justpaste.it/Nakel
2 - http://justpaste.it/tableet
3 - Abraham Maslow, A Theory of Human Motivation, Wilder publication, 2013.
4 - Jean-Léon Beauvois et Robert-Vincent Joule, La soumission librement consentie, Paris, PUF, 6ème édition revue et corrigée, 2010.
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