mercredi 1 juillet 2015

Femmes en jihad, femmes dans le jihad 1/3


La femme est un guerrier comme les autres

Dans l'imaginaire commun des sociétés dominées par le patriarcat, la guerre, le combat ou le terrorisme, sont des notions associées exclusivement à la masculinité tout comme l'a exprimé en ce début d'année l'écrivain Virginie Despentes à l'occasion d'un article publié dans les Inrocks suite aux événements tragiques de Charlie Hebdo:"Je crois que ce régime des armes et du droit à tuer reste ce qui définit la masculinité."
Ainsi, depuis l'antiquité, le thanatos serait l'apanage de l'homme alors que le désir de vie serait chevillé au corps de la femme, la femme dont la relation à la belligérance ne serait que celle de victime passive d'un dommage collatéral.
Cependant, l'histoire universelle regorge de figures féminines emblématiques, qui, éloignées des gynécées, marquent des épisodes guerriers ou révolutionnaires. Qu'elles soient fictives ou réelles, actives ou passives, leur présence ne laisse jamais place à l'indifférence. Figures guerrières, politiques ou révolutionnaires érigées en modèles à suivre ou à renier au cours des épisodes marquant les conflits et les révolutions de l'histoire mondiale. Elles ont de nouveau trouvé leur place en ce début du 21ème siècle depuis le Liban jusqu'à la Tchétchénie en passant par la Palestine et le Sham.
Les faits historiques semblent donc nous montrer que la femme est capable de verser les larmes tout comme elle est en mesure de verser le sang.
L'implication des femmes dans le jihad global mené par Daech bénéficie actuellement d'une résonnance médiatique importante, suscite l'intérêt de nombreux intellectuels et donne lieu à des publications officielles en son sein.
La mythologie daechienne a-t-elle une part de féminité?

La femme guerrière: du mythe à la réalité

Les guerrières parcourent l'histoire de l'humanité à travers des figures mythiques fictives ou réelles. Elles sont des envoyées de dieux telles les amazones grecques ou les valkyries nordiques. Elles sont soldats, chefs de guerre telle Mulan, Jeanne d'Arc, Aïcha mère des croyants et épouse de Mahomet ou encore la berbère Kahina qui défera à deux reprises les Omeyyades1. Certaines épouseront les mouvements révolutionnaires à l'image de la française Charlotte de Corday, de la chinoise Qiu Jin ou de la russe Sofia Perovskaïa et mourront guillotinées ou pendues. Les années de plomb marquées par le terrorisme en Europe auront leur lot de figures féminines à l'instar des françaises Nathalie Ménigon et Joëlle Aubron ou de l'italienne Margherita Cagol2.
Le 10 juin 2000, l'implication des femmes dans les actions terroristes prend une nouvelle dimension lorsque la tchétchène Hawa Barayeva commet un attentat suicide faisant 27 victimes parmi les forces de sécurité russes. Au-delà de l'acte, la revendication est également à souligner puisque pour la première fois de l'ère moderne, c'est au nom de Dieu qu'une femme entre en terrorisme. Ouvrant la voie du jihad au feminin, Hawa Barayeva entraine dans son sillage de nombreuses tchétchènes dont les 18 femmes participant à la prise d'otages dans le théâtre Dubrovka de Moscou et les 2 femmes impliquées dans le drame de l'école de Beslean en Osétie du nord. A la même époque des attentats sont perpétrés par des femmes à Haa, Jérusalem et Tel Aviv.
Si la femme peut être une guerrière et verser le sang, à travers des actions terroristes au nom d'idéaux politiques et religeux, est-elle pour autant en jihad de nos jours?
L'image des veuves noires savamment mise en exergue par les hommes et d'édiction de fatwa autorisant les femmes terroristes à voyager seules sans voile pour faciliter leur action (fatwa du Cheick Qaradhaoui) nous  renvoient aux travaux de Catherine Gipoulon qui avait théorisé à propos de l'utilisation de l'image féminine dans un article paru en 1984 où elle émettait l'hypothèse liant les femmes aux révolutions: "Comme si toute remise en cause des fondements du pouvoir établi avait besoin de la caution des femmes."3
Dans le contexte de remise en cause du pouvoir à travers une révolution ou une guerre, les hommes utilisent la femme pour légitimer leurs actes.
Les daechiens impliqueraient donc leurs femmes pour justifier leurs actes et finalement compenser leur atrophie morale?

La réponse dans notre prochain article.

(1) Gisèle Halimi, La Kahina, Paris, Plon, 2006.
(2) Margherita Cagol (1945-1975) était membre fondatrice du mouvement révolutionnaire terroriste de lutte armée Brigades Rouges dont le fait le plus marquant fut l'assassinat d'Aldo Moro.
(3) Catherine Gipoulon, L'intellectuel au féminin: féminisme et révolution en chine au début du XXème siècle, in Extrême-Orient, 1984, N°4, p.170.

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