mercredi 10 juin 2015

Clinique de la paranoïa de daech

Dans l'esprit des populations, la psychologie véhicule un certain nombre d'attentes dès qu'il est question de comprendre la nature de problèmes humains complexes et d'apporter un éclairage sur les mécanismes mentaux en jeu dans l'émergence de comportements pathologiques.

Il n'est alors ni vain ni arbitraire d'en appeler aux sciences humaines pour aborder les processus psychiques en cause dans la genèse des actions violentes des sympathisants de Daech.

L'islamisme radical des membres de cette organisation se manifeste à travers une violence politico-religieuse qui n'est pas sans rapport avec des conflits psychologiques commençant au niveau de la famille, et se cristallisant autour de certaines pathologies préférentielles, comme la paranoïa.

L'examen clinique des principaux symptômes de cette pathologie montre à quel point ils sont proches de ceux de l'intégrisme religieux véhiculés par Daech :

  •     Conviction impitoyable : Dans la paranoïa, elle est au centre du délire. Elle survient en général d'un seul coup et prend un certain temps ensuite à s'enraciner car la personnalité doit se réorganiser autour de ce nouveau noyau. Le "djihadiste paranoïaque" est focalisé sur une foi inébranlable en sa propre supériorité, dans celle des croyances qu'il défend et dans la toute-puissance du dieu qui s'imagine-t-il l'a élu.  

  •     Signification révélatrice d'un événement inopiné initial : Dans le domaine religieux, on peut rapprocher cela des conversions subites.  

  •     Tendance à l'abstraction artificielle, avec de grandes idées sur l'avenir du monde : Cela rappelle les idées de l'imminence d'une guerre apocalyptique véhiculées par Daech, et la théologie enflée de mégalomanie de ces intégristes.  

  •     Intransigeance incompréhensible pour l'entourage : Quand il s'agit d'une tendance de personnalité plutôt que d'un délire constitué, on peut raccorder ce trait à un complexe de supériorité aggravé par la psychorigidité. Le paranoïaque cherche toujours à prouver ses affirmations, mais ses arguments sont sans pertinence par rapport à son discours : il voit des preuves là où il n'y en a pas. 

  •     Sentiment de vérité basé sur des intuitions et des fausses évidences : Plongé dans son délire, le psychotique résiste à tous les démentis de l'épreuve de réalité, ce qui rend sa pathologie difficilement curable même par de bons psychothérapeutes. Comme pour le paranoïaque, le discours "délirant" du djihadiste est hautement systématisé c'est-à-dire qu'il présente un fort degré de cohérence interne. Dans la mesure où il se développe de manière parfaitement cohérente et logique, même si cela se fonde sur des prémisses fausses, il peut entraîner l'adhésion complète de l'auditoire. Ainsi, la mise en place de processus de déradicalisation d'un "djihadiste paranoïaque" se retrouve confrontée à la même difficulté.  

  •     Suspicion, obsession du mensonge des autres : Selon les adeptes du djihad, une conspiration s'emploie à « dominer le monde musulman », c'est-à-dire à contrôler sa vie politique, son activité économique et son tissu social. Le complot, chez le djihadiste, est d'autant plus terrifiant, qu'il est secret et/ou dirigé par des puissances de l'ombre, anormales, mythifiées : hérétiques, francs-maçons, croisés, juifs, etc. Il dispose pour ce faire de relais privilégiés. Ce complot emploie tous les moyens, y compris les plus méprisables et les plus odieux, pour substituer aux droits des musulmans, l'autorité d'un pouvoir supérieur, occulte, dénué de toute légitimité. Le "djihadiste paranoïaque" est terrorisé par la réalité. Il évolue dans une "histoire de la peur".  


Nous pouvons donc affirmer que la paranoïa trouve sa place dans l'idéologie radicale des djihadistes, très perméable à ce type de pensées délirantes. De fait, l'un des mécanismes paranoïaques consiste à rationaliser les projections de ceux qui les émettent sur le mode de la causalité. L'"ennemi", l'objet de leur névrose est dans ce type de discours l'Autre : le juif, le croisé, le mécréant, le démocrate, etc.


A suivre, prochainement, le rôle des désirs homosexuels dans la structuration de la violence de daech...

1 commentaire:

  1. Je ne suis pas sûre qu'il faut rapprocher les comportements de djihadistes à des signes d'une pathologie. Dans ce cas, par exemple, tous les soldats nazis et les peuples qui ont soutenu hitler et son régime étaient paranos car ils entraient tous dans le mécanisme de haine et de destruction du parti NS. Il faudrait déjà partir du fait que la violence est inhérente à l'humain ( pour moi, on peut tous devenir violent ), ensuite tenir compte des différents environnements (familial, religieux, société ...), de la fragilité ou pas de l'individu ... Il faudrait se pencher plutôt sur les systèmes de manipulation qu'on peut mettre en place : voir ou lire La vague inspirée de l' expérience réelle par un professeur sur sa classe ou l'expérience de miligram. Ou comment un ange peut devenir un monstre sans problème ou comment expliquer que des gens se donnent la mort parce qu'un gourou leur a dit que c'était la fin du monde. Enfin si on regarde bien beaucoup de système ( politique etc ) font de l'autre l'ennemi ( de la stabilité sociale ...)

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