mardi 4 août 2015

Moi, Abu Yanis Al Farancy, djihadiste et "junkie à l’adrénaline"

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« Dans la vie, j'ai eu le choix entre l'amour, la drogue et la mort. J'ai choisi les deux premières et c'est la troisième qui m'a choisi... »

Jim Morrison



Cet article aborde les hypothèses psychologiques et biologiques qui sous-tendent l’exposition d’un individu au danger du jihad et tente de répondre à la question de savoir si le jihad peut être considéré comme une dépendance.

En effet, la forte activation de certains neurotransmetteurs face au danger pourrait agir comme un renforçateur "addictogène" dans la mesure où elle efface une émotion déplaisante, selon le modèle du coping du stress1 focalisé sur l'émotion. De plus, un mimétisme pharmacologique semble possible, car l'effet ressenti des catécholamines2 pourrait contrefaire certains effets des drogues stimulantes.

Pour rappel, cette question de la prise de risque a été au cœur de la réflexion relative aux addictions bien avant les développements récents de la neurobiologie, notamment à travers les réflexions anthropologiques relatives aux conduites ordaliques (cf. monographies de Le Breton3 et d'Olievenstein4).

Le terme de conduites à risque ou ordaliques, appliqué aux individus désireux de rejoindre daech, s’impose de plus en plus pour signaler une série de comportements disparates dont le trait commun consiste dans l’exposition de soi à une probabilité certaine d’être blessé ou tuer, d’hypothéquer son avenir personnel, ou de mettre sa santé en danger.



Jeux de vie, jeux de mort


L'ordalie désigne "toute épreuve juridique usitée, dans le Moyen-Age, sous le nom de Jugement de Dieu" (Littré) ; au sens strict, le terme doit être réservé aux épreuves par éléments naturels (eau, feu...), et distingué des serments et des duels, bien que ces deux dernières formes d'épreuves comportent une dimension possiblement ordalique. Pour se maintenir dans notre sujet d’analyse, le jihad, soulignons le caractère juridique de l'emploi du terme ordalie ainsi que le rapport direct qu'il implique entre l'individu et une puissance divine.

De nos jours, les conduites ordaliques ne relèvent plus de jugements ou de cérémonies imposés par le groupe et dont le verdict serait accepté par tous. 

Elles sont dorénavant, et a fortiori dans le jihad, le fait, pour un sujet, de s'engager de façon plus ou moins répétitive dans des épreuves comportant un risque mortel: épreuve, non suicide pur et simple ou simulacre, et l'issue ne doit pas être évidemment prévisible.

Le fantasme ordalique du djihadiste, sous-tendant ses conduites, serait le fait de s'en remettre à un Autre, en l’occurrence à Allah, pour en devenir l'élu, et, par sa survie, prouver tout son droit à la vie, son caractère exceptionnel, voir son immortalité.

Mais quelles motivations sous-tendent cette conduite à risque ?

Une grande majorité des jeunes s’intègre harmonieusement à nos sociétés, mais une partie de plus en plus nombreuse peine à donner sens à sa vie et à se projeter de manière opportune dans son histoire à venir. Les conduites à risque les affectent alors de façon privilégiée. 

Les raisons de partir au Sham, et ainsi pouvoir revendiquer son existence, sont nombreuses et entremêlées. Seule l’anamnèse du sujet est susceptible d’éclairer le sens de son passage à l’acte alors qu’un autre, vivant une situation proche, semble s’en accommoder ou entre dans des conduites différentes. 

On peut aisément disserter sur l’origine de ce type de conduites à risque. Elle peut se trouver dans l’abandon, l’indifférence familiale, mais aussi à l’inverse dans une surprotection, notamment maternelle. La disqualification de l’autorité paternelle revient couramment dans les histoires des jeunes français partant rejoindre daech. Parfois c’est la violence (voir les abus sexuels) la mésentente du couple parental, l’hostilité d’un beau-père ou d’une belle-mère dans une famille recomposée. 

En tout cas, c’est toujours un manque de direction pour exister que l’aspirant djihadiste va tenter de combler en se radicalisant et en se confrontant à la mort. Le flou insécurisant de la relation avec le monde, l’impression d’être étranglé ou d’évoluer dans un abîme, projettent dans les mêmes conduites de sollicitations symboliques de la mort, dans une quête de limites pour exister. 

Ce qu’il ne trouve plus chez lui, la certitude intérieure que sa vie a un prix et qu’il a sa place dans le monde, le jeune le cherche de manière décousue dans la radicalisation religieuse et dans un corps à corps avec le palpable. Le jihad s’enracine dans le sentiment confus d’une carence à être, de souffrance diffuse. C’est aussi un sentiment d’absence de limite à cause d’interdits parentaux jamais donnés ou insuffisamment étayés qui va favoriser ce franchissement du Rubicond.

L’aspirant djihadiste ne s’inscrit nullement dans une volonté de mourir. Son intention est de tester sa détermination personnelle, de chercher une intensité d’être, une communion avec les autres, un moment de divinité, de traduire aussi un cri, une peine, une difficulté, parfois tout cela mélangé dans une quête qui ne trouve souvent sa signification que dans l’après-coup.

Partir faire le jihad est à l’instar de la toxicomanie : une mauvaise réponse à une vraie souffrance. 

Les conduites à risque liées au jihad sont donc le revers d’un jeu avec l’idée de mort. En manipulant l’hypothèse de sa mort volontaire (notion de chahid), le jeune affûte le sentiment de sa liberté, il brave la peur en allant au-devant d’elle, en se convainquant qu’il possède à tout moment une porte de sortie si l’insoutenable s’imposait à lui. La mort entre ainsi dans le domaine de sa propre puissance et cesse d’être une force de destruction qui le dépasse. Ce jeu avec l’idée de mort est une source de plaisir ambigu, elle n’est jamais loin de la restauration narcissique. 

À ce moment de la vie de l’aspirant djihadiste, le corps est le champ de bataille de son identité. Les conduites ordaliques sont alors ce moyen d’éprouver cette chair, ce moi-peau.  

Toutefois, le jihad ne se réduit pas seulement à un jeu symbolique avec l’éventualité de mourir ou de se heurter violemment au monde. Il agit aussi dans la discrétion, le silence.
Cela ne l’empêche pourtant pas de mettre en danger les potentialités du jeune, d’altérer en profondeur ses possibilités d’intégration sociale, son amour de la vie, et ce péril culmine, comme dans l’engagement sectaire, dans la démission identitaire de la victime de cette idéologie radicale et délétère.

Empruntant des formes variées, cette adhésion à un islam radical et violent relèvent certes de l’intention, mais aussi souvent de motivations inconscientes.
A terme certaines, inscrites dans la durée, deviennent un mode de vie, alors que d’autres marquent un passage à l’acte, ou une tentative consubstantielle aux circonstances. N’omettons pas que fréquemment cette conduite à risque est une manière, certes maladroite et inadaptée, de se manifester auprès de ses proches, de ceux qui comptent. Elle est en quelque sorte une ultime tentative pour fabriquer du sens et de la valeur. Bien que cela puisse être difficilement concevable pour la plupart des gens, l’adhésion à l’idéologie daechienne témoigne de la résistance active du jeune et de ses tentatives de se remettre au monde. Elle est le dernier rempart contre le risque bien plus incisif de la dépression ou de l’effondrement radical du sens. En dépit des souffrances qu’elle entraîne, elle possède donc un versant malgré tout positif, elle favorise la prise d’autonomie du jeune, la recherche de ses marques, elle ouvre à une meilleure image de soi, elle est un moyen de se construire une identité. Elle n’en est pas moins douloureuse dans ses conséquences à travers les blessures ou les morts qu’elles entraînent et la dépendance qu’elle engendre…

Djihadistes : des junkies à l'adrénaline ?


Pour mémoire, l'acception du mot "dépendance" telle que définie dans la classification internationale des maladies (CIM-10) renvoie aux dimensions suivantes :
  •     ­ Une difficulté à contrôler la consommation ;
  •     ­ La poursuite de la consommation malgré des conséquences nocives ;
  •    Un désinvestissement progressif d'autres activités et obligations au  profit   de la consommation ;
  •     ­ Une tolérance ;
  •     ­ Un syndrome de sevrage.
L'idée développée dans cet article est celle d'une particularité du coping centré sur l'émotion chez des sujets recherchant des sensations fortes dans le jihad, dans le sens que l'émotion désagréable initiale (lié notamment à un symptôme dépressif) est remplacée par un état de stimulation sensorielle intense due à une situation à risque. L'apprentissage que la situation à risque amène un état émotionnel mieux supportable ainsi que l'expérience répétée d'une activation de l'axe adrénocorticotrope lors de la réaction de stress peuvent, par la suite, devenir des facteurs de développement et de maintien d'une "dépendance au risque".

Dans le cas de la "dépendance au jihad", ceci signifierait que le radicalisé ferait, dans un premier temps, l'expérience que la réaction de stress liée au risque pourrait servir à "effacer" ses émotions désagréables. Par la suite, cette expérience se répéterait, se consoliderait et deviendrait un apprentissage selon les principes du conditionnement classique. Finalement, cette gestion de l'émotion déplaisante s'automatiserait à tel point qu'elle "s'imposerait" à la personne et qu'elle deviendrait prioritaire devant d'autres activités au service de l'intégrité personnelle et qu'elle entraînerait des conséquences négatives.

On constate chez ces individus une forme d'acharnement qui persistent dans leur activité et qui augmentent souvent les difficultés même si des complications plus au moins graves surviennent comme par exemple des blessures, des difficultés relationnelles ou affectives, ou encore la perte d'un partenaire dans l'activité en question. 

De plus, ils sont nombreux à manifester un sentiment de "vide intérieur" dès qu'ils ont atteint leur objectif de rejoindre le Sham. Ce «vide intérieur» est difficilement supportable et accule aspirants djihadistes à rapidement amplifier leurs activités violentes et à chercher de nouveaux défis, encore plus exigeants, encore plus téméraires. Cet état de souffrance psychique comporte une similitude avec l'état de manque observé dans le syndrome de sevrage (psychique plutôt que physique) au cours de la consommation régulière de certaines substances psychoactives.

Ainsi, cette dépendance endogène se développe selon des mécanismes similaires à ceux imputés aux dépendances aux drogues, avec une dysrégulation concernant la neurotransmission dopaminergique dans le noyau accumbens5.
En effet, le potentiel addictogène de la réaction de stress lié au jihad est centrale. 

Lors des combats menés par ces djihadistes, on peut conjecturer une réactivité de leur psychisme d'une part due aux catécholamines et de l'autre due aux corticostéroïdes6. Ces deux catégories de substances entraînent de fortes influences sur l'état psycho-végétatif de ces individus. Les effets végétatifs des catécholamines sont bien connus ; au niveau psychique, ils se traduisent par une hyper vigilance et ­ jusqu'à un certain niveau ­ une amélioration des performances mnésiques et cognitives. 

L'effet extrêmement rapide des catécholamines sur l'organisme et sa mise subséquente en situation "d'alerte" ­ dans laquelle la majorité des processus du psychisme qui ne traitent pas directement les informations relatives à cette situation sont reléguées au deuxième rang ­ les rendent susceptibles de devenir des agents addictogènes de premier ordre chez ces individus ayant tendance à faire recours au coping focalisé sur l'émotion. 

Le djihadiste vivant au quotidien des expériences pénibles peut, grâce à une stimulation par les catécholamines, passer à un autre vécu de manière certaine et rapide, puisque aucune stimulation n'a plus de priorité au niveau de l'organisme que la situation d'alerte, et puisque les catécholamines agissent en quelques fractions de secondes. Les récits de certains repentis du jihad semblent corroborer ce postulat. Ils racontent souvent qu'ils ont entamé leur journée dans la morosité mais que leur état émotionnel s'est peu à peu modifié à l'approche de la difficulté et que face au danger, plus aucune pensée autre que celles ciblées sur l'ici-et-maintenant n'a émergé dans leur esprit. 

Jusqu'à présent aucune étude ne s'est penchée sur l’aspect "junkie à l'adrénaline" du jihad pour expliquer leurs motivations à vouloir rejoindre le Sham et à y commettre des actes de plus en plus violents. 

Métaphore initiatique et allégorie ordalique


Cette introduction de la notion de conduites ordaliques dans le jihad a pour but de nuancer la vision d’un djihadisme uniquement décrit comme conduite autodestructrice. Celles-ci sont encore trop souvent interprétées au plan individuel comme un équivalent suicidaire. Dans cette optique, le djihadisme devient donc l'équivalent d'un suicide et au plan collectif il correspond à une attitude sacrificielle d'une partie de la jeunesse occidentale.

Pour nuancer cette vision suicidaire sacrificielle des djihadistes, nous sommes conduits à mettre en avant la fonction positive de la prise de risque, phénoménologiquement distincte d'un comportement autodestructeur...

Des sujets qui mettent en acte ce que d'autres redoutent, qui affrontent de façon répétée des situations que nous voudrions éviter : toutes ces personnes qui agissent, au mépris apparent des conséquences de l'acte, nous amènent à remettre en question la vision habituelle de notre lien aux notions de destin et de risque.

Nous avons, en tant que psychologues et psychiatres, l'habitude de sujets anxieux qui vivent le risque partout, de phobiques qui ont une peur excessive devant des dangers symboliques, des obsessionnels qui passent leur temps à conjurer la possibilité d'un risque imaginaire.

Nous connaissons bien aussi des paranoïaques, pour qui le hasard n'existe pas, qui interprètent les événements les plus insignifiants comme l'expression d'une volonté hostile.

Les aspirants djihadistes se comportent exactement de façon contraire : ils s'en remettent à Dieu, ils sont entre les mains d'une puissance alliée et prennent des risques, convaincus de sortir vivants de cette guerre par la grâce d’Allah. 

A travers la répétition de la prise de risque, c'est une quête que poursuit ce sujet : au-delà de simple fuite d'une situation de souffrance il s’engage dans une tentative de passage, de mort-renaissance, d'accès à un monde idyllique.

En étant tout à fait lucide, la société a fait du jihad un des moyens privilégié pour les adolescents de s'imposer une telle épreuve : partir au Sham devient signe du défi aux adultes, transgression de la loi, prise de risque maximum et généralement demande de reconnaissance par le groupe des pairs. La consommation de tabac, d'alcool, de drogues "douces", parfois même "dures" a souvent le même sens, la première cigarette ou la première ivresse étant un peu cet instrument du rite de passage. Satisfactions orales régressives, ces conduites, comme la volonté de partir faire le jihad, symbolisent aussi l'appropriation par le sujet d'attributs des adultes, puissance virile, courage, convivialité, etc...

Le jihad est en quelque sorte polysémique. A travers lui, se compriment toutes les frayeurs et les désirs de certains adolescents ainsi que leur quête d'accéder à des valeurs perçues comme profondes, d’être dans le secret et le sacré du groupe. Malheureusement pour eux, cette addiction au jihad, vient surtout signer l'échec de cette tentative de passage et l'isolement progressif du sujet sur le plan affectif et social. L’application stricte de la charia par exemple, montrent souvent comment des adolescentes refusent la sexualisation des relations affectives et parviennent physiquement à se mettre à l'abri des affres du désir.

La dépendance, chez le jihado-toxicomane, joue longtemps ce rôle et pendant une durée plus ou moins longue de "lune de miel" les ados du jihad trouvent un compromis à leurs difficultés internes, une manière de mettre "entre parenthèses" la question de leur accès à un statut d'adulte.

C'est ensuite, avec la prise de conscience de leur aliénation, que réapparaissent, plus violentes encore, les conduites de risque, tentatives pour le sujet de maîtriser à nouveau la dépendance, de reprendre sa vie en main. Alors, la mort, omniprésente dans la vie et l'imaginaire de ces individus, va condenser le paradoxe apparent des conduites ordaliques : risquer sa vie, s'en remettre à Dieu, à cet Autre omnipotent, pour en sortir victorieux, prêts pour une nouvelle vie, comme après une mort suivie de résurrection. L'échec de la symbolisation de cette épreuve sera, ici aussi, à l'origine de sa répétition, parfois doublée d'une escalade dans la prise de risque.

Le jihad comme transgression


Parmi les implications de cette allégorie ordalique, il convient ici d'en souligner un aspect essentiel : en se remettant directement à Allah pour décider de son propre droit à la vie, le sujet pose, à travers ce jugement divin, la question de la légitimité de la loi des hommes. L'aspect juridique de l'épreuve est sans doute la source du scandale que constituent tant le jihad en tant que conduite à risque des adolescents : tenter de rencontrer cet Autre divin, de fonder la légitimité de sa propre existence dans une démarche solitaire, est également une invalidation des dépositaires institués de la loi et des formes admises de  "passage" ou d'intégration par nos sociétés occidentales. Cette conduite ordalique comporte donc en soi une dimension transgressive : quand la santé, la jeunesse, la vie, valeurs dominantes de nos sociétés et quand la maladie et la mort représentent le "mal absolu", le jihad ou la conduite "d'auto-sabotage" (Philippe Jeammet7) sont vécues par l'entourage comme hors la loi. 

L'impression d'une rupture brutale, ce que Claude Olievenstein8 appelait le "miroir brisé" s'impose souvent à la société pour les plus "agissants", les plus "psychopathes" d’entre eux. Tout se passe comme s'ils avaient été brutalement privés de sécurité ou d'amour, comme s'ils avaient eu le sentiment que le monde devenait injuste.

Or nous avons vu que subjectivement cette prise de risque a le plus souvent valeur d'appel à une possibilité de sens, de recherche de limites, parfois de justice et de réparation. Nous comprenons une fois de plus pourquoi il n'est guère possible de trouver une origine infantile univoque, une causalité simple qui expliquerait ces conduites. 

Ces individus tentés par le djihadisme violent se trouvent dans une situation que l'on pourrait appeler de "dette inversée" : plus que d'être redevables de la vie, de la possibilité de bien-être, à leurs parents, à la famille, à la société, ils se comportent comme si la société les avait lésés, avait une dette envers eux.

Par conséquent, le travailleur social, le psychologue, le religieux, etc. qui va tenter de les extraire de la spirale de la radicalisation violente, le proche qui va vouloir leur tendre la main, vont être frappés de leur apparente ingratitude, de leur brutalité, qui ne sont que le masque d'une demande massive de réparation.

Rallier daech: une nouvelle manière de prendre des risques ?


A travers la "galère" de leur quotidien, de la "jungle" de leur lieu de vie, certains de ces aspirants djihadistes sont habitués à affronter délibérément des risques, à s'imposer de véritables épreuves possiblement mortelles. Mais jouer à la guerre au Sham est un mode d'épreuve ordalique d’un tout autre niveau.

Le jihad violent, cette maladie longue, progressive et inéluctable, n’est pas de ces combats dont on peut sortir victorieux.

La réaction de nombreux djihadistes étrangers lors de leur confrontation avec la réalité du califat de daech est souvent très significative : eux, qui semblaient ne faire aucun cas de leur santé et de leur avenir en rejoignant daech, vivent souvent un effondrement dépressif, une véritable crise une fois arrivés sur place. Après quelques semaines ou quelques mois, voyant qu'ils sont encore en vie, qu'ils sont « passés au travers » une fois de plus, ils se reprennent à espérer, rarement à nier la réalité de leur situation. Cette réaction montre bien que ce jihad est pour eux d'un autre ordre que les épreuves qu'ils avaient coutume de s'imposer.

Même au fond de leur désenchantement apparent, ces individus luttent pour garder l'idée vague d'un avenir lointain, souvent grandiose, exceptionnel, héroïque auquel ils croyaient. Ils gardent au fond d'eux-mêmes cette image d'un enfant tout-puissant et idéal qui n'a pas été confronté après l'adolescence aux compromis d'une existence adulte. La réalité de la guerre au Sham vient briser cette idée que plus tard -quand on sera grand- tout sera de nouveau possible.

En conclusion


Dans nos sociétés actuelles, la prise de risque inconsidérée et a fortiori de la mort n’ont plus leur place. Cet état de fait s'inscrit logiquement comme objectif prioritaire dans une société "préventive" où la santé, la jeunesse, jouent le rôle de valeurs dominantes. La mort semble devenue un équivalent pur et simple du mal absolu, et les discours médicaux et scientifiques servent souvent à éluder les problématiques liées à la mort, comme si leur fonction était de la nier ou de rechercher les recettes de l'immortalité.

L'impossibilité du risque vécu fait l'importance du risque rêvé, fantasmé, des aventures héroïques imaginaires, vécues par procuration... un risque valorisé qui se situe pour une grande part chez daech, dans la mise en scène médiatisée de ses combats où le risque extrême, confrontation à la force sauvage, sont transformés par la technique, le talent manipulateur de daech, en spectacle.

1- Lazarus et Folkman définissent le coping comme l'enemble des efforts cognitifs et comportementaux toujours changeants que déploie l'individu pour répondre à des demandes internes et/ou externesspécifiques, évaluées commes très fortes et dépassant ses ressources adaptatives.
2- Les catécholamines le splus courantes sont l'adrénaline, la noradrénaline et la dopamine. L'état de stress augmente, le taux de catécholamine dans le sang.
3- Le Breton D. Passions du risque. Paris: Editions Métailié, 1991.
4- Olievenstein C. La drrogue ou la vie. Paris: Editions Laffont, 1983.
5- Le centre de récompense faisant partie du système limbique.
6- Les corticostéroïdes sont des hormones produites par la paire de glandes surrénales, localisées au-dessus des reins, précisément au niveau d'une partie appelée la corticosurrénale. On parle également de corticoïdes.
7- Professeur émérite de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, président de l'Ecole des parents et des Educateurs Ile de France. Il a été psychanalyste, chef de service à l'Institut Mutualiste Montsouris à Paris.
8- Psychiatre français qui s'est spécialisé dans le traitement de la toxicomanie. On le surnommait "le psy des toxicos".

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