Les femmes représentent plus de 35 % des étrangers français en Syrie ayant rejoint l’organisation terroriste Daesh et constituent 20 % des départs à destination de ce pays depuis l’Europe et les Etats-Unis. Matrice du monde, elles incarnent la clé indispensable au projet expansionniste du Califat. Elles sont la pierre angulaire de la construction d’un Etat. Leur pouvoir ? Avoir la capacité de procréer dans le silence pour l’aboutissement d’un Etat établi : « There’s a priority for the Islamic State to attract females because it offers stability. If you want people to see you as a nation, a legitimate state, it’s important to attract females and have them start families »1.
Mais
quels sont les leviers qui incitent ces femmes à quitter leur
famille et à prendre part au djihad ?
L’espoir
d’une vie meilleure et d’un prince charmant
Nombreuses
sont les femmes qui mettent en avant la déliquescence de la société
occidentale, la perte de valeurs et de repères. Le moudjahid
incarnerait, quant à lui, une masculinité, une forme de virilité
aux traits pieux qui permettraient aux femmes d’accomplir un destin
fantasmé et de se prémunir de galères amoureuses. Ainsi, elles
embrassent la cause du djihad pour rétablir un équilibre
homme/femme dans une société qui ne respecte plus la femme. Selon
Géraldine Casutt, chercheuse à l’université de Fribourg, les
femmes cherchent une « forme d’émancipation de la société
occidentale, de ses formes sociales et vestimentaires, de l’image
de la femme dans la publicité »2.
Pieuses, elles espèrent réunifier le monde musulman éclaté de
part et d’autre du globe. Ne pouvant pas vivre pleinement leur
religion en Europe, les « perles du califat » sont
convaincues que l’Etat islamique représente l’endroit rêvé
pour s’épanouir spirituellement : «On m’a fait un lavage
de cerveau : la propagande de Daesh est très persuasive. Je me
suis radicalisée et je me suis convaincue que le califat
représentait un lieu de vie idéal pour les vrais musulmans »3.
L’égalité
homme/femme n’est pas reconnue par la gente féminine et la
considère comme « hypocrite ». Les femmes
« réfléchissent plutôt en termes de complémentarité avec
les hommes »4
et revendiquent leur statut de mère, d’épouse et de sœur.
Les
jeunes femmes adolescentes n’échappent pas aux clichés
fleurs-bleues ravivant le cœur et les esprits des plus sensibles.
Elles sont à la recherche du héros, voire du héraut, dont elles
seront fières, du prince charmant qui animera en elles des passions
inavouées : « Après quelques minutes, j’ai jeté un
œil à travers mon niqab. Il m’a regardée. Nos regards se sont
croisés. Mon cœur palpitait plus vite que la vitesse de la
lumière » 5.
Cette phrase est extraite d’un des comptes Twitter créés par les
recruteurs de l’organisation de l'Etat Islamique (@_BirdOfJannah – compte aujourd'hui fermé) pour inciter les femmes à rejoindre le Cham.
Car même si les images insoutenables véhiculées par l’hydre de
guerre sont appréciées par la gente féminine, les femmes n’en
restent pas moins friandes d’un pseudo-romantisme cucul les
bousculant dans leurs retranchements émotifs.
Et
les recruteurs l’ont bien compris ! Ces derniers adaptent
leurs approches en suivant des scénarios bien établis. Lorsque la
jeune femme est altruiste, Daesh lui proposera de venir en soutien
aux populations civiles subissant les exactions du gouvernement de
Bachar-Al-Assad ; lorsque la jeune femme est dépressive,
l’organisation lui demandera de participer aux opérations
suicides ; et si son penchant pour les histoires à l’eau de
rose se manifeste dans ses échanges, le recruteur lui fera miroiter
le prince charmant solutionnant tous ses problèmes affectifs.
La stratégie de la propagande djihadiste n’écarte aucun support
pouvant inciter les « bonnes musulmanes » à trouver la
voie dans l’extrémisme religieux. Un magazine féminin islamique
et djihadiste, Al-Shamikha, a été créé afin d’appeler
les femmes en terre sainte. Ce « guide » offre aux
lectrices un sommaire détaillé, digne d’un périodique de renom,
n’épargnant pas le drapeau de l’Etat Islamique aux côtés de
fleurs et de pictogrammes rose bonbon. L’édito est clair et
enjolive le statut de la femme d’un martyr : « elle
représente la moitié de la société car elle met au monde l’autre
moitié […] Le monde a besoin de femmes qui connaissent
leur religion pour éduquer les prochaines générations ».
Ainsi, elles sont dépeintes comme le soutien
indispensable des combattants musulmans à l’édification d’un
califat. A l’image d’un magazine extrait tout droit de la presse
féminine, les rédacteurs proposent des conseils de beauté et de
psychologie et n’oublient pas de sensibiliser les femmes à la
bonne application de la Charia.
Quel
avenir pour ces femmes une fois en Syrie/Irak ?
Attirer
la gente féminine pour pérenniser plusieurs générations de
moudjahid n’est pas le seul objectif de l’Etat Islamique. A
l’instar du rôle des princes charmants dans la politique de
recrutement de l’EI, les femmes servent bien souvent d’appât aux
hommes pour les appeler au combat. Les femmes motivent également
« les combattants sur place et les empêchent de vouloir
quitter leurs rangs… » 6.
Les hommes partis rejoindre l’Etat Islamique ont cruellement besoin
des femmes pour donner une lueur de distraction à leur quotidien
morose. Dérivatif, amusement, délassement du guerrier, elles n’ont
de reconnaissance que dans la façon dont elles obéissent à leur
mari : « Les hommes ont autorité sur les femmes, en
raison des faveurs qu’Allah accorde à ceux-là sur celles-ci, et
aussi à cause des dépenses qu’ils font de leurs bien. Les femmes
vertueuses sont obéissantes (à leurs maris), et protègent ce qui
doit être protégé, pendant l’absence de leurs époux, avec la
protection d’Allah. Et quant à celles dont vous craignez la
désobéissance, exhortez-les, éloignez-vous d’elles dans leurs
lits et frappez-les. Si elles arrivent à vous obéir, alors ne
chercher plus de voie contre elles, car Allah est certes, Haut et
Grand ! » (Le Saint Coran - Sourate 4, Verset 36).
La
liberté dont les femmes musulmanes jouissent aujourd’hui en
occident est définitivement abolie une fois les frontières du Cham
passées. Le plus souvent à la maison à s’occuper des enfants
et du foyer ainsi qu’à répondre aux demandes et attentes de leur
mari, les femmes ont rarement la possibilité d’exercer une
activité professionnelle. Seules certaines d’entre elles sont
employées à l’extérieur de la maison. C’est le cas de celles
qui ont intégré la Hisbah (police religieuse) pour
réprimander les faits et gestes d’autres femmes ne respectant pas
les règles de la Charia selon Daesh : « Les femmes
étrangères et européennes de la Hisbah
ont un statut plus élevé que les syriennes. Si je marche dans la
rue avec des hauts talons et des vêtements colorés, et que je
montre mes yeux, évidemment elle viendra armée et en uniforme, et
me jettera dans la voiture […] J’aimerais tant pouvoir enlever
mon niqab pour de bon et sortir des ténèbres qui nous entourent. Je
rêve de pouvoir m’habiller comme avant… de pouvoir sortir dans
la rue sans avoir peur. Sans voir d’armes, d’étrangers barbus
aux visages terrifiants. Je veux vivre comme je veux. Acheter ce que
je veux. Je veux sortir seule, libre sans gardien pour m’accompagner.
Rien ne m’est plus cher que la liberté »7.
Les
femmes n’ont pas le droit de sortir seule, même pour aller
chercher du pain ou du sel à l’épicerie du coin. Elles sont
tenues de satisfaire les besoins de leur mari et ne
vivent qu’à travers lui : « J’ai été obligée de
porter la burqa et je ne pouvais quitter la maison qu’accompagner
de mon mari, même pour me rendre dans une épicerie ».
Coupées
du monde, sans réelle vie sociale, elles sombrent le plus souvent
dans une grande solitude meurtrie d’ennuis et de regrets. Elles
passent leurs journées à regarder des séries télévisées
américaines. Cette pratique frôle le ridicule et ne manque pas
d’hypocrisie. Vouloir tuer l’Occident et s’en nourrir
simultanément… Cherchez l’erreur !
Tant
bien que mal, les femmes essaient de garder un lien avec leur famille
en Occident au-delà des difficultés qu’elles rencontrent à cause
de la censure, les cadres de Daesh filtrant les échanges. Les
chances de regagner leur pays d’origine sont minces et demandent
aux plus motivées de convaincre leur mari combattant et de faire
appel à un réseau élargi de passeurs. Si toutefois elles regagnent
l’Europe, elles sont arrêtées puis emprisonnées par les
autorités. De fait, se projeter dans un futur plus ou moins proche
devient difficile : « Ne partez pas, réfléchissez à ce
qu’implique vos actes. Une fois sur place, il est impossible de
revenir en arrière. Ne commettez pas mon erreur, parce que ma vie
est ruinée ».
Même
à la maison, les femmes ne sont pas exemptes d’atrocités au
quotidien. Une vidéo, publiée par Expressen TV, nous offre le
témoignage de deux syriennes vivants sous le joug de Daesh à Raqqa.
Loin d’être épargnées, elles assistent à des assassinats et des
tortures8 :
« J’y suis allée voir. C’est humain d’être curieux et
de vouloir regarder. J’ai essayé de regarder. Ils avaient assis un
homme par terre. C’était un jeune homme, un soldat. Il était
assis là, et ils avaient placé des couteaux à côté de lui. Ils
étaient vêtus de noir. Il y en avait quatre ou cinq. Ils ont chacun
tiré quatre ou cinq fois. Quand il est mort, ils l’ont décapité.
J’ai essayé de regarder mais je n’ai pas eu la force. Ils
exécutent par balle, profanent le corps, coupent la tête, la
plantent sur une pique et l’exhibent au rond-point. Ou bien, ils
couchent le corps sur la route et obligent les voitures à rouler
dessus jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien. Le corps ne fait
plus qu’un avec le sol. Il ne reste plus que les vêtements ».
Les
départs pour la Syrie et l’Irak nous prouvent que le djihad n’est
pas l’apanage des hommes. Souvent très jeunes, les femmes partent
pour l’autre continent et deviennent l’ombre des combattants de
l’Etat islamique. En pleine guerre et barbarie, elles servent de
distraction aux hommes et deviennent des esclaves sexuelles à la
merci de leur bourreau de mari. Souvent vulnérables et victimes de
mauvais traitements, elles élèvent la
prochaine génération de l’organisation en découvrant peu à peu l’épouvantable facette de la vie sous
Daesh.
1 Marie-Claire,
« The american Women of ISIS »,
22 avril 2016.
2
La Liberté, « Ne pas négliger le rôle des femmes »,
2 mai 2014.
3
7sur7, « Une carolo déradicalisée explique l’enfer
vécu en Syrie »,21 avril 2016.
4
La Liberté, « Ne pas négliger le rôle des femmes »,
2 mai 2014.
5
Le journal des femmes, « Daesh pervertit les codes du
romantisme pour séduire les femmes », 26 janvier 2016.
6
20 Minutes, « Fugues vers la Syrie : “Daesh a compris
que les femmes peuvent server à motive les combattants » »,
07 mars 2016.
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