A la suite du précédent article sur l’industrie de l’infanticide
(ici), La Mécanique Daesh propose aujourd’hui d’aborder la
question de la place de l’enfant au sein de l’Etat Islamique.
Souvent considérés comme une ressource humaine non négligeable en
temps de guerre, les enfants sont utilisés par Daesh pour prêter
main forte à l’édification du califat. Engrainés dès leur plus
jeune âge, les enfants sont reconnus par les moudjahidines adultes
comme « purs » et moins corrompus par les valeurs
contraires à l’islam radical. Ils sont entrainés, formés et
façonnés pour en faire des complices automates. Sans esprit
critique, la jeune génération peut répondre plus facilement aux
désirs de puissance de ses gourous.
Les
enfants du califat assistent et participent à des actes inhumains
banalisant et normalisant ainsi la violence. Ingurgitée à toutes
les sauces, cette dernière est alors considérée comme une preuve
d’obéissance à Dieu, dans le souci de lui plaire et de lui
signifier toujours plus sa grandeur.
Si
l’avenir d’un Etat repose sur les générations futures… avec
Daesh, attendons-nous au pire !
D’après
le rapport du think-tank Quilliam « The Children of the Islamic
State », paru le 3 mars 20161, le
groupe terroriste manipule les enfants en leur assénant une
doctrine, en les enfermant dans des rôles et des scénarios
préétablis, valorisants ou non, tout en exploitant leurs
vulnérabilités. Parfois enlevés, recrutés de force et éduqués
par l’Etat Islamique, les jeunes garçons sont appelés à occuper
différentes fonctions au sein du « système Daesh »,
parmi lesquelles :
-
L’enfant délateur : est initialement formé comme espion afin de recueillir de l’information sur les faits et gestes de sa famille, ses amis et ses voisins. Le but est de savoir si ces derniers se conforment bien aux règles et pratiques du califat.
-
L’enfant propagandiste : doté d’une certaine aisance relationnelle et maîtrisant les fondamentaux de la rhétorique arabe, il se verra confier des missions de propagande pour diffuser le message islamique (da’wah). L’enfant se trouve être un bon relai d’information, surtout lorsqu’il est question de mobiliser et d’enrôler d’autres enfants.
-
L’enfant soldat : est entrainé à se servir d’armes de guerre pour aller au combat. Quand certains enfants sont utilisés pour effectuer des patrouilles armées, d’autres le sont pour désamorcer des bombes.
-
L’enfant bourreau : l’exécution des « traîtres », des « impurs » et des « kuffars » est considérée comme un privilège, un honneur, une récompense. Cette besogne macabre est confiée aux enfants par des maîtres.
-
L’enfant kamikaze : est endoctriné pour commettre des attentats suicides. Il est précieux pour les recruteurs, car il est considéré comme moins lâche que les adultes, qui auraient tendance à adopter un comportement plus rationnel.
Les jeunes filles, elles, ont des tâches bien différentes. A
l’instar du projet Lebensborn conçu par l’Allemagne nazie
du IIIème Reich pour concevoir une « race arienne »
exemplaire, le rôle des génitrices du nouveau monde islamique est
de construire la Oumma en donnant naissance à des garçons pour les
envoyer au front. Là où les nazis étaient dans la recherche d’une
pureté ethnique, les cadres de Daesh recherchent la « pureté »
spirituelle dont l’expression la plus aboutie est le sacrifice de
soi dans le martyr. Les « Perles du califat »
s’attachent donc à recevoir une éducation conforme au bon
fonctionnement du foyer et de la famille, tout en accomplissant leurs
devoirs conjugaux. L’objectif : enfanter une génération
radicale pour pérenniser les valeurs et l’existence du califat.
D’autres sont bien moins considérées et font l’objet d’abus
sexuels. C’est le cas des jeunes filles yézidies et chrétiennes
qui subissent des actes de violence à longueur de journée. De
nombreux témoignages ont mis en lumière les maltraitances faites à
leur égard. Esclaves et prisonnières, ces jeunes femmes cherchent à
fuir la torture parfois au péril de leur vie. Commercialisées
comme des barils de pétrole, elles peuvent être « achetées
individuellement à cinq ou six hommes différents. Parfois les
combattants vendent les filles à leur famille moyennant une rançon
de plusieurs milliers de dollars. Ils (les combattants) ont une
machinerie, ils ont un programme. Ils disposent d'un manuel qui
explique comment traiter ces femmes », explique Zainab
Bangura2,
représentante spéciale des Nations Unies (ici).
L’instrumentalisation,
l’affaire d’une Histoire ou l’histoire d’une affaire ?
L’école
et l’éducation des enfants sont au cœur des préoccupations de
l’Etat Islamique. Etant le meilleur moyen d’influencer les
générations futures, les enfants se retrouvent au centre de toutes
les attentions lorsqu’il est question de leur éducation. Les
matières enseignées à l’école telles que l’histoire, le
dessin, la philosophie, les sciences humaines, la musique (etc.) sont
évincées des programmes scolaires. L’éducation physique
concerne, quant à elle, uniquement les disciplines sportives pouvant
être utiles au djihad (natation, tir, techniques de combat).
L’école à la maison est considéré comme haram (impur) ; il est impossible aux cadres du califat de contrôler les
connaissances des enfants dans leur apprentissage du djihad. Les
enfants doivent se rendre obligatoirement à l’école pour y subir
une éducation conforme à l’orthodoxie salafiste. Dès lors, les
garçons et les filles sont séparés dès l’âge de six ans et
n’ont pas accès au même programme scolaire. Ils effectuent cinq
ans d’école primaire et quatre ans de collège. Un traitement
particulier est accordé aux élèves ayant été scolarisés
précédemment en dehors de l’Etat Islamique. Ils fréquentent
alors des classes adaptées où ils sont rééduqués par des
enseignants particuliers.
Les
méthodes d’enseignement font écho à l’histoire et à la
mémoire européenne. Selon le rapport du think-tank Quilliam, les
djihadistes auraient recours aux techniques qu’utilisaient les
nazis. En effet, utilisé comme un véritable système
d’endoctrinement, le système éducatif nazi visait à
instrumentaliser la jeunesse allemande :
« It
is not the task of the elementary school to impart a multiplicity of
knowledge for the personal use of the individual. It has to develop
and harness all physical and mental powers of youth for the service
of the people and the state. Therefore, the only subject that has any
place in the school curriculum is that which is necessary to achieve
this aim. All other subjects, springing from obsolete educational
ideas, must be discarded »3
Ainsi, de jour en jour, l’Etat Islamique apparait comme un
véritable Etat totalitaire au sens où Hanna Arendt l’entendait.
En manipulant et en conditionnant ses enfants, le groupe terroriste
privilégie ses intérêts politiques. La religion n’est ici qu’une
façade, un prétexte pour atteindre des objectifs à court terme. Le
malheur est que, pour cela, il assujettit et pervertit ses propres
enfants pour en faire une chair à canon décervelée.
1 http://www.quilliamfoundation.org/wp/wp-content/uploads/publications/free/the-children-of-islamic-state.pdf.
2 http://www.rtl.fr/actu/international/l-etat-islamique-tient-une-liste-du-prix-de-ses-esclaves-sexuels-7779310787.
3 "The Children of Islamic State", Think-tank Quilliam, 3 mars 2016, p 33.
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
RépondreSupprimer